La Basse-Romanche, terre d'accueil

Tiré de l'article de Marion Frison, paru dans le numéro de mars-avril 2016 d'IsèreMag

 

Sortie d’usine à Livet, commune qui comptera, en 1931, jusqu’à 51% d’étrangers.
Sortie d’usine à Livet, commune qui comptera, en 1931, jusqu’à 51% d’étrangers.

Rioupéroux à l’heure russe

En 1918, au lendemain de l’armistice, la reconstruction nationale soutient l’essor des industries électrochimiques et électrométallurgiques. La compagnie Alais, Froges et Camargue, futur Péchiney, s’installe à Rioupéroux en 1925.

Les usines, désertées par les prisonniers de guerre, vont prospérer grâce à de nouvelles vagues d’immigrants. Chassés par la Révolution d’Octobre, quelques centaines de Russes blancs, avocats, professeurs et anciens officiers de l’armée du Tsar, s’installent au milieu des années 1920 à Rioupéroux, dont ils font une « petite Russie ».

Ils créent une chapelle orthodoxe, puis ouvrent un jardin d’enfants, une cantine et un foyer où ils organisent des réceptions costumées. A leur contact, les autochtones s’initient au jeu de croquet et découvrent les blinis du Nouvel An.

Des exilés polonais, roumains, yougoslaves, albanais, bulgares et tchécoslovaques leur emboîtent le pas. Puis c’est le tour des Italiens, fuyant le fascisme, suivis des réfugiés espagnols traqués par les franquistes. Plus tard, les Algériens et les Portugais prendront le relais.

16 nationalités différentes

Durant un demi-siècle, ces vagues migratoires ont forgé l’identité de la vallée. En 1931, on recensait dans la commune plus de 51 % d’étrangers de 16 nationalités.

« Ces populations cosmopolites ont cohabité harmonieusement, sans renoncer à leur identité », racontent les anciens, qui se souviennent de la Pâque russe comme de la célébration de la fin du Ramadan.

« Il n’y avait pas de racisme. La ségrégation se faisait uniquement entre les ouvriers, logés dans des cités, et les membres de l’encadrement qui occupaient des villas construites pour eux comme celles du quartier de la Salinière à Rioupéroux, ou la maison Keller à Livet », explique Laurence Clément, responsable du musée de la Romanche à Rioupéroux.

A partir des années 1970, au fil des crises et des reconversions, les usines ont fermé une par une, cédant la place aux friches industrielles. Restent quelques souvenirs de cette époque, comme la centrale des Vernes, la Maison Keller, qui pourrait faire prochainement l’objet d’une réhabilitation, ou encore des croix cyrilliques et des noms à consonance russe gravés sur des stèles du cimetière de Livet.

Le cimetière de Livet abrite de nombreuses tombes arborant des croix cyrilliques, témoins de la présence d’une forte communauté russe dès 1918.

En savoir plus :
Musée de la Romanche, Rioupéroux - 04 76 68 42 00.